C'était son premier jour d'école. Notre fille, debout entre son frère aîné et moi, serrait bravement contre elle la boîte en métal rouge toute neuve qui contenait son repas de midi. La maîtresse lui dit de placer cette boîte sous la table, à côté de quelques vingt-cinq autres. Apparemment, cela ne lui semblait pas être la place appropriée. Elle leva les yeux vers la maîtresse et dit, Pourquoi ? »
Son frère, un grand de huit ans, fut choqué. « Clara, tu as beaucoup à apprendre » lui dit-il, prenant la boîte et la mettant sous la table. Puis il lui donna un conseil fraternel: « Une des choses les plus importantes à l'école, c'est de ne jamais, jamais poser de questions ! »
Aujourd'hui ma fille est elle-même professeur. Elle a appris – comme je l'ai fait moi-même au cours de mes années d'enseignement – que les questions sont loin d'être quelque chose de mauvais. En fait, les bons élèves ont en général beaucoup de questions à poser. Des questions constructives, pénétrantes, qui montrent que le sujet traité a éveillé leur intérêt. Qu'ils pensent de façon indépendante. Qu'ils n'ont pas peur de mettre en question les conjectures d'hier, les vieux systèmes fondés sur des croyances, les anciens mythes. Et qu'ils sont prêts à s'avancer dans de nouveaux territoires – à découvrir des horizons nouveaux.
C'est aussi cela être un pionnier spirituel. C'est poser les questions qu'il est nécessaire de poser. C'est penser par soi-même. C'est mettre au défi les anciens mythes, les conjectures surannées – et partir à la découverte des nouveaux horizons de la pensée. C'est ne jamais, jamais avoir peur de demander « Pourquoi ? »
C'est peut-être ce que Stephen Hawking, un physicien renommé, préconise dans son livre intitulé A Brief History of Time (Une brève histoire du temps), où il écrit: « Jusqu'à présent, la plupart des hommes de science ont été trop occupés à élaborer des théories nouvelles décrivant ce qu'est l'univers pour se poser la question pourquoi. »
Il ne suffit pas, dit Hawking, de mettre au point une théorie unifiée concernant l'univers, comme les hommes de science s'apprêtent à le faire. Il estime que nous devons poser des questions cruciales commençant par « Pourquoi » et y répondre. Comme: Pourquoi l'univers prend-il la peine d'exister ? Qui ou qu'est-ce qui a mis l'univers en place ? Était-ce un « créateur » ? Et si c'est le cas, y a-t-il quelque chose qui a peutêtre créé le créateur ? Stephen Hawking, A Brief History of Time (New York: Bantam, 1996), p. 233.
Ce ne sont pas là des questions faciles. Et ce sont essentiellement des questions d'ordre spirituel. Des questions auxquelles les physiciens seuls ne peuvent répondre. Des questions auxquelles, selon Hawking, il appartiendra aux « philosophes » de répondre.
Et qui sont ces philosophes ? Et bien, ce sont les penseurs. Ils aiment la sagesse – et vivent en s'y conformant. Ils mettent en question les systèmes fondés sur des croyances, limités ou engagés dans de fausses voies. Ils sont à la recherche de lois propres à interpréter et intégrer la connaissance de manière unificatrice. Ils sont des pionniers qui n'ont pas peur d'aller au-delà des phénomènes physiques et de découvrir la réalité dans le contexte de quelque chose de plus élevé, quelque chose de conceptuel, quelque chose qui est en dernière analyse métaphysique.
Les pionniers spirituels servent l'humanité. Ils repoussent des limites qui sont imposées à chacun de nous.
Ce sont par exemple des gens comme:
• Edward O. Wilson, un homme de science qui croit que la connaissance physique seule ne présente qu'une facette de la réalité. Il recherche une « unité fondamentale » de « toutes les formes de connaissance » – une « philosophie de la science » ou même une « théologie scientifique » Edward O. Wilson, « Back from Chaos », The Atlantic Monthly, mars 1998, p. 41 à 62..
• Le physicien et mystique oriental Fritjof Capra, qui, il y a une décennie, faisait déjà observer que « la connaissance rationnelle [...] qui mesure et quantifie, classifie et analyse » est essentiellement limitée. Ce qui est nécessaire, a-t-il affirmé, c'est une poussée dans le sens inverse, allant vers « la sagesse intuitive », « la religion » et « la coopération ». Fritjof Capra, The Tao of Physics (New York: Bantam, 1988), p. xvi, 15.
• Les personnes qui reçoivent des prix de la John Templeton Foundation décernés chaque année, notamment à ceux qui conçoivent des cours d'université sur les rapports entre la science et la religion. De tels cours sont intitulés par exemple « Science et religion dans la tradition occidentale » et « Le rôle spirituel des cosmologies dans diverses cultures » M. S. Mason, « Classes Ponder Faith and Science », The Christian Science Monitor, 6 Décembre 1997..
• Les milliers de participants aux conférences annuelles de l'école de médecine de Harvard ayant pour thème « Spiritualité et guérison en médecine » organisées depuis 1994, qui explorent les correspondances – souvent vérifiées médicalement – existant entre la prière et la guérison.
• Des milliers de personnes à travers le monde qui étudient régulièrement la « philosophie » divine présentée dans le livre de Mary Baker Eddy, Science et Santé avec la Clef des Écritures, lequel annonce hardiment à la première page de la Préface: « L'heure des penseurs a sonné. » Science et Santé, p. vii. Ce livre expose une Science totalement spirituelle – reposant sur Dieu comme Principe absolu et seul interprète de l'univers. Les lois de cette Science décrètent que le pur amour de Dieu pour Sa création l'emporte sur tout système de croyances matériel. Ces lois divines constituent une Science métaphysique appliquée, la « Christian Science », qui peut guérir des difficultés et des maux de toutes sortes.
Les penseurs mentionnés plus haut sont les pionniers d'aujourd'hui dans le domaine de la pensée. Tous, ils osent aller à contre-courant de la pensée matérielle prédominante. Toutefois ces pionniers ne sont pas des étrangers dans la société où ils vivent. En fait, ils servent l'humanité. Leur œuvre profite à tous. Ils repoussent des limites qui sont imposées à chacun de nous. Et chaque pas de progrès spirituel aide à nous rendre libres de mieux manifester ce que nous sommes, ce que Dieu a créé – l'effet éternel de l'Amour divin.
Ce mois-ci, des étudiants et des professeurs d'établissements d'enseignement supérieur du monde entier se réunissent à Boston, quartier général de l'Église mondiale que Mary Baker Eddy a créée pour la réalisation des idéaux exposés dans Science et Santé. Ensemble, ces participants vont se pencher sur leur mission de Pionniers du Millénium spirituel.
Or, le Millénium, objet de cette conférence, n'a rien à voir avec l'an 2000. En fait, il s'agit du millénium spirituel que Mary Baker Eddy a décrit une fois comme « un état et un degré de progression mentale, qui se poursuit depuis le commencement des temps » The First Church of Christ, Scientist, and Miscellany, p. 239..
« Le but recherché » dit Karen Bowen, l'organisatrice de la conférence, « est d'aider les étudiants à se voir eux-mêmes comme des penseurs – des penseurs qui peuvent apporter la guérison. Et comme des pionniers spirituels qui reconnaissent la relation qui les unit à Dieu. »
« Chaque pionnier est nécessaire » ajoute Karen Bowen. « Chacun ou chacune a sa propre façon d'être un pionnier. Et alors qu'ils progressent dans cette voie, ils préparent le chemin pour d'autres. Ils font avancer la pensée mondiale. C'est comme une vague qui ne cesse de grandir. Jusqu'à ce que cela devienne un raz-de-marée ! »
Pour avancer ainsi, les pionniers doivent repousser les limites. Et ces pionniers spirituels doivent repousser les limites de la matière même. Ils mettent en question des choses que la plupart des gens pensent être incontestables. Ils mettent en question le système de croyances tout entier qui dit que notre identité, notre intelligence, notre carrière, nos relations, et notre vie elle-même sont matériels ou basés sur la matière. Ils croient, eux, que l'Esprit est suprême, que le néant ultime de la matière doit finalement être perçu, que la physique doit céder la place à la métaphysique.
Chaque victoire d'un pionnier spirituel est une victoire pour nous tous. Chaque victoire, si modeste soit-elle, nous rapproche de l'inévitable millénium spirituel. Chaque pas en avant nous aide à répondre avec plus d'assurance aux grands « Pourquoi » que se pose le genre humain, à comprendre avec plus de clarté qui nous sommes réellement et pourquoi nous sommes ici. Et, en dernière analyse, chaque victoire nous rend mieux à même, dans les termes de Hawking, de « connaître l'entendement de Dieu » Hawking, p. 233..
