Les trente pièces d'argent

Après avoir découvert que le jeune homme mentionné dans l'Évangile selon Matthieu connaissait et gardait les commandements, Jésus donna à sa question une réponse dont le sens n'apparaît que quand l'humanité cherche réellement à saisir et à exprimer le Christ, la Vérité, par un amour modelé sur le divin. "Jésus lui dit: Si tu veux être parfait, va, vends ce que tu as, donne-le aux pauvres, et tu auras un trésor dans le ciel; puis, viens et suis-moi." A en croire le récit, le jeune homme fut affligé et se retira, se sentant incapable de renoncer à ses biens matériels — la croyance que la vie est dans la matière — afin de suivre le Christ qui l'amènerait à cette conscience spirituelle qui est l'Esprit, la Vie éternelle. C'est seulement après avoir abordé la Christian Science que nous saisissons le sens profond de cette remarque. Car Jésus déclara: "Je vous le dis encore: Il est plus aisé qu'un chameau passe par le trou d'une aiguille, qu'il ne l'est à un riche d'entrer dans le royaume de Dieu." A celui qui est chargé de richesses, tout paraît agréable et satisfaisant. Comme Mrs. Eddy l'affirme dans ses "Miscellaneous Writings" (p. 85): "Les plaisirs — plus que les douleurs — du sens matériel des choses retardent la régénération; car la souffrance oblige la conscience humaine à se détourner de ce sens vers l'immortalité et l'harmonie de l'Ame. La souffrance dans l'erreur, plutôt que le bien-être en elle, tend à sa destruction: les malades sont ainsi fréquemment amenés vers le Christ, la Vérité, et apprennent à sortir du péché et de la maladie." Donc, tant qu'on n'a pas appris à regarder le désir de biens matériels — richesses, situation, renommée, pouvoir, ou que sait-on encore — comme le tentateur et le tenté, le Judas dans la conscience humaine, on n'a pas encore engagé la bataille entre la chair et l'Esprit que chacun doit livrer, afin que le royaume des cieux, la paix et l'harmonie, puisse être atteint.

La trahison pour trente pièces d'argent de Jésus le Christ, par Judas Iscariote, se répète constamment dans l'histoire humaine. Judas n'était que l'instrument du mal trompeur, visant, par son intermédiaire, le Christ, la Vérité que Jésus, homme pur et inspiré, représentait et enseignait. Toute tentation qui suggère à un mortel de renoncer à un idéal, à son plus haut sens du bien, pour un gain ou un avantage matériel, appartient précisément à cet ordre de pensées que Judas incarna quand il renia le Christ pour trente pièces d'argent. Plusieurs fois par jour il nous faut choisir entre notre idéal — les inspirations de la conscience — et ce qui peut nous sembler la voie facile, agréable ou matériellement profitable. Ce choix est toujours le même: choix entre la croyance que le bien-être et la vie sont dans la matière, et ce qui pour le jugement humain paraît intangible: l'épanouissement spirituel, le royaume de Dieu. Car cette guerre est faite au serpent, au mal impersonnel, ainsi que le déclare Mrs. Eddy dans "Science et Santé avec la Clef des Écritures" (p. 564): "Le serpent est perpétuellement sur les talons de l'harmonie. Du commencement à la fin, le serpent poursuit de sa haine l'idée spirituelle." Quand l'élève de la Christian Science découvre qu'il doit choisir, en s'inspirant du Principe divin, là où est le droit, il sait où le trouver, car celui-ci est une puissance de construction, et il prie chaque jour afin d'être délivré de tout mal, de toute tentation, c'est-à-dire afin de ne pas être amené à négliger son devoir vis-à-vis du Principe. Il se reconnaît inséparable du Principe divin qui le guide et le garde de la tentation de croire en une vie hors de Dieu, hors du bien, et qui l'empêche d'être hypnotisé par la croyance que la vie est dans la matière.

Si Judas avait pleinement compris les enseignements du Maître, il ne se serait jamais laissé entraîner par son envie ou sa jalousie de la puissance spirituelle de Jésus, et l'attente d'un gain matériel ne l'aurait en aucune façon poussé à la trahison. Si ce n'était sa crainte de l'extinction et de l'oubli, l'humanité ne serait pas aujourd'hui coupable de carnages, de transactions malhonnêtes, de procédés sournois dans tous ses rapports, depuis ceux de particuliers jusqu'à ceux de nations. C'est seulement quand la lumière de la Christian Science est jetée sur la Bible et qu'une clé ouvre les Écritures par l'étude de Science et Santé, qu'on apprend que la perle de grand prix est la compréhension du fait que la vie est indestructible parce que de Dieu et en Dieu, et qu'il n'y a pas d'extermination à craindre. Ce passage des Écritures: "Cherchez premièrement son royaume et sa justice, et toutes ces choses vous seront données par-dessus," nous pousse constamment vers un état d'être qui exprime l'Entendement Un qui est Dieu, et l'élève découvre que tout ce dont il a besoin il le possède déjà grâce à la perfection de son rapport avec l'unique source de toutes choses. En voyant qu'amasser ne lui est d'aucun profit, et désirant exprimer toujours davantage les sentiments que Jésus-Christ a eus, il ne cherche pas de par sa seule volonté humaine à échapper aux expériences. Il apprend à prier: "Que ta volonté soit faite, et non la mienne!" sachant que la seule expérience qu'il puisse être appelé à faire est celle du bien et que par celle-ci son développement spirituel est certain.