L'acte de recourir à la guerre pour l'arbitrage des querelles a ses racines dans les passions fondamentales de l'esprit humain. L'homme primitif se battait aussi naturellement qu'il dormait et mangeait. Il est vrai que ses procédés se modifièrent avec les progrès de la civilisation, mais ses instincts n'en furent pas bridés pour cela. Aussi, quand on constate des mouvements en faveur de la paix, des tribunaux de la Haye, des conférences pour la limitation des armements, on a la preuve que la puissance du Principe sur l'esprit humain est parvenue à un point où il est possible d'exercer un plus grand contrôle sur le mal. C'est ici que se trouve l'explication de la loi de Moïse, ce curieux composé de brutalité et de sollicitude appliqué au nom du Principe et pourtant si contraire en apparence à celui-ci. Moïse, méditant profondément sur le spectacle offert par les licences relativement peu contenues de l'esprit humain, chercha dans sa compréhension du Principe un moyen d'échapper aux prétentions du mal. Il parvint, ce faisant, à une série de conclusions qui prirent corps dans un code. Toutefois, ces conclusions ne furent pas le fruit d'un raisonnement purement intellectuel mais d'une adhésion aux ordres du Principe, en d'autres termes à la loi de Dieu. En conséquence, la loi mosaïque fut reçue directement de Dieu, du Principe, et ce texte de la Bible "L'Éternel appela Moïse, et lui parla de la Tente d'assignation," n'exprime que la façon dont l'auteur, dans la langue métaphorique de l'Orient, explique le fait que les prières du législateur furent exaucées.
Par la force des choses, le monde doit se faire une idée nette sur le sens de la prière s'il veut comprendre la Bible. Dans un passage dont la profondeur n'est pas aisément sondée, Mrs. Eddy déclare: "Le désir, c'est la prière; et nous ne pouvons rien perdre en confiant nos désirs à Dieu, afin qu'ils soient façonnés et exaltés avant de prendre forme en paroles et en actions" (Science et Santé, p. 1). Moïse chercha une solution aux problèmes qui provenaient des passions des Israélites quand ceux-ci se rendaient d'Égypte en Terre Promise, et les envisagea à la lumière du Principe. Il dut mettre toutes ses idées d'accord avec ce dernier, ce qui revient à dire dans le langage du temps qu'il pria Dieu. Le résultat de sa recherche sincère de la vérité fut une réponse à ses prières, et l'auteur du Lévitique, personnifiant la Vérité comme Dieu, l'exprima en ces termes: "L'Éternel appela Moïse, et lui parla de la Tente d'assignation." Ainsi la loi de Moïse, comme toute loi, en dépit de ce qu'elle peut avoir en apparence de grossier et de dur, constituait une réponse à la prière, un reflet du Principe.
Néanmoins, le désir étant subordonné à la perception toujours croissante que l'homme a de la Vérité, le désir de Moïse, soit sa prière, devait se développer avec les siècles. Le ton d'une contrainte par la force céda par degrés à celui d'une plus tendre sollicitude; le commandement "Tu ne convoiteras point la maison de ton prochain" fit place à celui-ci: "Tu aimeras ton prochain comme toi-même." Le changement se remarque déjà dans le préambule des prophéties d'Ésaïe. Le prophète entreprend, semble-t-il, de se défaire des commandements de Moïse qui ne sont plus de saison. "Les temps changent, écrivait le sage romain, et nous avec eux," et une main inconnue ajouta: "Les astres nous mènent, mais Dieu mène les astres." Les temps avaient changé, et, à la lumière de la compréhension plus nette qu'Israël avait du Principe, Ésaïe condamna le sacrifice des oiseaux et des autres bêtes, réclamant plutôt le sacrifice de l'animal en l'homme, autrement dit, le sacrifice de ses appétits et de ses passions. L'injonction du prophète fut réitérée avec plus de force encore par le dernier d'entre ceux de l'ancienne dispensation, Jean Baptiste. "Lavez-vous, purifiez-vous! s'était écrié Ésaïe. Écartez de mes yeux vos méchantes actions. Cessez de mal faire. Apprenez à bien faire." Puis avait surgi le Baptiste avec un nouvel appel, ordonnant au chercheur d'allumer le brasier de la purification: "Quant à moi, je vous baptise d'eau, pour la repentance, mais celui qui vient après moi est plus puissant que moi, et je ne suis pas digne de porter ses chaussures: c'est lui qui vous baptisera d'Esprit saint et de feu."
Il est très certain que les écrivains de l'Ancien Testament avaient l'intention d'écarter les symptômes par la destruction des causes. Mais leurs réformes furent obtenues graduellement, les unes après les autres, par Moïse, Ésaïe, Jean; car Jean, bien qu'appartenant au Nouveau Testament, se tient à la croisée des chemins. Moïse, par exemple, fut enclin à se contenter de la substitution de l'animal à l'homme dans les cérémonies du sacrifice, mais Ésaïe ne s'en montra pas satisfait. Les Israélites du Sinaï n'auraient jamais pu être amenés à l'acceptation d'une loi plus avancée, parce qu'ils ne pouvaient pas saisir la nécessité spirituelle de celle-ci. Quand bien même Ésaïe demanda l'abolition des holocaustes, Jésus dut chasser les vendeurs du temple et lui aussi ne parvint pas à détruire les pratiques par lesquelles ces gens vivaient. Par conséquent ceux qui constatent aujourd'hui la folie et l'iniquité des armements doivent-ils se sentir satisfaits s'ils apprennent que pour l'instant il s'agit plutôt de limitation que de suppression. C'est par l'éducation qu'il faut amener l'esprit humain au renoncement des choses matérielles, et celui-ci ne se rend pas toujours compte que cette éducation est en voie de s'accomplir. Dix-huit siècles de prédication de l'Évangile, culminant à la découverte de la Christian Science, ont sapé les fondements de l'erreur. Pourtant, à l'entrée de ces siècles, Jésus-Christ, conscient de l'essence de la Vérité et de son indestructibilité, déclara: "Le ciel et la terre passeront, mais mes paroles ne passeront point."
Jésus-Christ laissa à entendre que le salut du monde doit venir par une compréhension véritable de l'Amour. Mais par la même occasion il dut établir tout aussi nettement que par l'Amour il entendait une chose fort différente du sens humain usuel de l'amour. Un peu plus tard, l'apôtre Jean, qui comprit Jésus, si jamais ses disciples le comprirent, résuma la définition de l'Amour dans sa fameuse première épître. C'est là qu'il définit l'Amour comme synonyme de Dieu, de l'Esprit, le distinguant absolument de toute expression charnelle, et montrant que chacune de ses manifestations devient ainsi un reflet de l'Esprit, du Principe. Le sens de tout ceci est rendu particulièrement clair dans un passage de la lettre de Paul aux Romains: "L'amour ne fait point de mal au prochain; l'amour est donc l'accomplissement de la loi." Quant à la loi elle-même, on ne saurait en douter. Dans son essence comme dans sa fin, étant activité du Principe, elle est harmonie; donc, la guerre est placée hors de la loi. Mais de même que Moïse dut se contenter de la substitution de l'animal à l'être humain dans les sacrifices; de même qu'Ésaïe et Jean durent se contenter d'attendre l'abolition des holocaustes; de même que Jésus le Christ dut placer ses espérances dans l'inévitabilité métaphysique de la victoire finale de la Vérité, de même l'étudiant de la Christian Science, tandis qu'il peut discerner devant certaines éventualités la nécessité des armements, n'en sait pas moins que ceux-ci n'ont rien de commun avec la loi, et que cette dernière ne peut s'accomplir que dans l'Amour. Voici pourquoi il a appris à connaître la patience du Principe, quelque chose de la sagesse réfléchie par Moïse, par Ésaïe et par Jean. Il est enclin à donner du temps à l'esprit humain, partiellement parce qu'il a découvert que le temps est un imposteur, et partiellement aussi parce qu'il a appris qu'il n'y a pas de route royale conduisant au ciel.
Dans la mesure où un homme acquiert la compréhension de l'Amour, il acquiert la patience. Le ciel et la terre dans leur actualité commencent à lui être révélés, et peu à peu il distingue ce que Mrs. Eddy a découvert quand, parlant de Jésus-Christ, elle écrivit ces lignes (Miscellaneous Writings, p. 163): "Jamais il n'a paru moins humain et plus divin que dans sa foi inébranlable en l'immortalité de la Vérité. Songeant à cela il s'écria: 'Le ciel et la terre passeront, mais mes paroles ne passeront point,' et elles n'ont pas passé: ells vivent encore; et elles sont la base de la liberté divine, la manifestation de l'Entendement, l'espoir de la race."
