L'esprit humain est un tissu de passions. C'est pourquoi la tolérance est de toutes les vertus celle qu'il a le plus de peine à s'assimiler. Néanmoins, il se passa, voici dix-neuf siècles, quelque chose d'étrange. Un charpentier syrien du village de Nazareth vint prêcher dans la vallée du Jourdain, et tandis qu'il parlait ses auditeurs ne tardèrent pas à s'apercevoir qu'il racontait une histoire nouvelle, exposait une philosophie étrange et une Science inconnue. Un jour, sur le Mont des Oliviers, il fit devant ses disciples une prophétie qui dut leur sembler surprenante: “Le ciel et la terre passeront, dit-il, mais mes paroles ne passeront point.” Et pourtant, tandis qu'il leur parlait ainsi, le ciel et la terre devaient leur paraître très réels, le rocher du Temple inébranlable, et le ravin du Cédron une parcelle de l'éternité. Un énoncé de la Vérité, toutefois, est indestructible. Depuis lors, l'esprit humain avec son domaine de phénomènes matériels n'a plus semblé aussi sûr de lui-même; sans doute ses passions se sont perpétuées depuis, mais dans la crainte, pour ainsi dire, de leur propre néant, et la tolérance s'est fait entendre dans les carrefours.
Le monde, néanmoins, est encore ce que le docteur Johnson aurait appelé un bon haïsseur. Mais le tranchant de sa haine s'est porté ailleurs. Assurément, le mal continue de haïr la Vérité; c'est là une nécessité de la continuation de sa propre existence supposée. Mais il n'a plus le pouvoir qu'il avait avant que brillât sur Bethléhem l'étoile des bergers. L'historien Froude, voulant montrer l'acuïté des controverses sectaires, nous raconte comment, voici à peine plus d'un demi-siècle, deux évêques anglicans présentèrent à la Convocation (assemblée des représentants du clergé anglican) un volume dans lequel Luther était peint sous les traits d'un hérétique digne tout au plus du rang de Joe Smith, le fondateur du Mormonisme. Pensez-y! il y a plus de quatre siècles que Luther afficha ses fameuses thèses sur les portes de l'église de Wittenberg, et ces deux prélats protestants éprouvaient encore de pareils sentiments à leur sujet! Aussi, quand Mrs. Eddy découvrit la Science de la guérison chrétienne, Science qui avait été perdue, et l'appela Christian Science, faut-il être surpris d'apprendre qu'elle s'attira les foudres de l'odium theologicum?
La découverte de Mrs. Eddy vint à une époque où l'ange de l'enquête spirituelle troublait les eaux de la pensée humaine. Aux États-Unis, la guerre civile venait de finir et le pays était remué jusque dans ses fondements par les appels que Lincoln adressait à son amour de Dieu et de l'homme. Sur le continent européen, la révolte contre les exactions du Traité de Vienne et de son matérialisme avait éclaté partout. L'insurrection des Magyars, les barricades de Paris, les paroles enflammées de Mazzini et de Garibaldi en font foi. D'autre part, la Prusse et l'Autriche après s'être entendues aux dépens du Danemark, se disputaient les dépouilles de ce petit pays. L'Angleterre, elle, évitait de telles violences: il lui avait suffi du nivellement d'un demi-kilomètre de bordure dans un parc et du piétinement de quelques plates-bandes de fleurs pour obtenir une loi de réforme. Ainsi filait le monde en cette soirée de février quand Mrs. Eddy, glissant sur la glace d'un trottoir de Lynn, eut l'accident dont elle devait guérir, contre toute attente du médecin, par la lecture de sa Bible: “Et voici, on lui apporta un paralytique couché sur un lit. Jésus, voyant la foi de ces gens, dit au paralytique: Prends courage, mon enfant, tes péchés te sont pardonnés. Alors quelques scribes dirent en eux-mêmes: Cet homme blasphème. Mais Jésus, voyant leurs pensées, dit: Pourquoi avez-vous de mauvaises pensées dans vos cœurs? Lequel est le plus aisé, de dire: Tes péchés te sont pardonnés, ou de dire: Lève-toi, et marche? Or, afin que vous sachiez que le Fils de l'homme a sur la terre le pouvoir de pardonner les péchés: Lève-toi, dit-il au paralytique, charge-toi de ton lit, et va dans ta maison. Et il se leva, et s'en alla dans sa maison. La foule, voyant cela, fut saisie de crainte, et elle rendit gloire à Dieu de ce qu'il avait donné un tel pouvoir aux hommes.”
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