Lorsque mon frère aîné est rentré d’un stage de survie de trois mois dans les régions sauvages de Tanzanie, il avait des choses à raconter. Des histoires vraiment incroyables de lions, d’autruches (oui, elles peuvent être dangereuses !) sans parler de son ascension du Kilimandjaro. A l’écouter, il était clair que son séjour en Afrique avait été passionnant, mais qu’il lui avait aussi valu de relever d’importants défis personnels. Le récit de ses aventures m’a également renvoyé à mes propres problèmes.
Nous sommes trois frères, mais étant le plus jeune des trois, je me suis un jour rendu compte que j’étais un peu comme un disque rayé, comme un air qu’on rejoue. Mes grands frères avaient ouvert une voie, et je suivais tranquillement leurs traces, passant en vitesse de croisière par les cases sport, école et camp de vacances, avec une réputation déjà faite grâce au nom « O’Hagan ». Je m’étais habitué à m’entendre appeler « le petit O’Hagan », « mini O’Hagan », « le petit frère de Sean ou de Brendan ». Au début, cela m’était égal ; cela me simplifiait la vie. Comme j’avais vu mes frères aller au collège et au lycée, quand ce fut mon tour, j’avais la confiance de celui qui avait l’impression de savoir déjà exactement ce qu’il ferait. Dans une certaine mesure, c’était comme si j’étais déjà passé par là.
Et puis tout a changé. J’ai mûri un peu et je me suis rendu compte que je n’avais pas envie d’être une copie. Au lieu de me dire que mes grands frères étaient là pour paver le chemin devant moi, j’ai soudain eu l’impression de ne pas pouvoir sortir de leur ombre géante. Je luttais contre le sentiment grandissant de m’être perdu en route, au point même de ne plus savoir ce que je devais faire. C’est à cette époque-là que mon frère aîné est parti en Afrique. L’ombre à laquelle j’essayais d’échapper n’en a été que plus grande. A mesure que mon frère multipliait les expériences, ma confiance en moi diminuait.
Comme je désirais rompre avec ces pensées et ces impressions désagréables, je me suis attelé mentalement au problème, ainsi que la Science Chrétienne m’avait appris à le faire. Je savais qu’il me fallait mieux comprendre Dieu ainsi que le lien qui m’unissait à Lui, en tant que Son fils, non le descendant d’une famille humaine, mais la création spirituelle et complète de Dieu.
J’ai réfléchi à nouveau à cette idée de vivre dans l’ombre. La Bible dit que nous demeurons « sous l’abri du Très-Haut », « à l’ombre du Tout-Puissant » (psaume 91:1). Bien sûr, il ne s’agit pas d’une ombre au sens littéral. Il m’a semblé pourtant qu’on pouvait y voir une meilleure façon de vivre dans l’ombre, car il pouvait s’agir de l’« ombre » de la sollicitude de Dieu. Un autre passage des Psaumes contient cette prière : « Protège-moi, à l’ombre de tes ailes. » (17:8) On retrouve cette idée de Dieu qui nous couvre de Son aile, comme un oiseau protège sa nichée, dans le poème de Mary Baker Eddy qui commence ainsi : « Sous Ton aile, ô Dieu tout-puissant… » (Ecrits divers 1883-1896, p. 387) Ces passages m’ont rappelé que c’est dans la nature même de Dieu de nous gouverner, de nous protéger. J’ai vu que la Bible ne nous demande pas de vivre dans l’ombre de l’homme, mais sous la protection de Dieu et entouré de Ses soins aimants, là où nous sommes en sécurité, protégés comme une mère protègerait ses petits.
J’ai reconnu qu’en acceptant de croire que je vivais dans l’ombre de mes frères, je me limitais, car je n’appréciais pas la bonté, les capacités et l’individualité que je possède en propre et qui me viennent de Dieu. J’ai aussi compris que le fait de comparer mes réalisations à celles de mes frères m’empêchait de rendre entièrement gloire à Dieu, la puissance suprême. Tant que je mesurerais ma réussite à l’aune des réalisations de mes frères, je laisserais croire que mes plus hautes aspirations consistaient à être semblable aux autres. En réalité, c’est à Dieu que j’avais besoin de m’attacher. En m’en remettant à Lui, j’étais protégé et encouragé à être moi-même, et à reconnaître en Lui mon origine. Quelle libération !
Ce changement de pensée a eu un impact immédiat sur mon attitude. Sachant que je n’avais plus à combler le fossé entre ce que je semblais être et ce qu’étaient mes frères, j’ai gagné en confiance dans ma façon d’être et de me comprendre en tant qu’expression de Dieu. J’ai pu ainsi sortir de l’« ombre de l’homme » et prendre conscience de mon individualité et de mes forces propres en tant que fils de Dieu. Je dois encore prier tous les jours pour me sentir autorisé à être moi-même, au lieu de me laisser intimider par les réalisations des autres, mais j’apprécie mon propre cheminement. Il ne me mènera sans doute pas au sommet du Kilimandjaro, mais vers de nouvelles cimes de compréhension spirituelle.