La semaine dernière, je dînais avec une amie que je connais depuis l'école primaire. Elle revenait d'un week-end à Londres et me racontait tous les projets de voyages qu'elle avait envie de faire.
J'étais contente de l'entendre parler ainsi car sa vie n'avait pas toujours été aussi heureuse, en particulier à la fin du collège. Elle venait souvent à la maison quand elle était déprimée, et j'essayais de lui remonter le moral.
Mon amie était l'aînée d'une famille de 6 enfants et c'était elle qui assurait tout le quotidien de ses frères et sœurs: de les emmener à l'école jusqu'à leur faire à manger. Elle devait aussi s'occuper de tous les papiers administratifs car ses parents, des immigrés cambodgiens, parlaient peu le français. Son travail de classe passait toujours après tout le reste. En plus, son père était violent avec elle, son copain venait de la quitter et elle avait des ennuis sérieux avec des bandes de jeunes dans la cité où elle habitait.
Je semblais être la seule amie avec qui elle se sentait en confiance pour parler de ses problèmes.
Je me souviens en particulier d'un jour où elle m'a appelée la veille de mon départ en vacances. Elle pleurait au téléphone et je n'arrivais pas à la calmer. Elle n'arrêtait pas de me dire qu'elle allait se suicider, qu'il n'y avait aucune autre solution à ses ennuis. J'étais proprement paniquée par la situation. J'avais 14 ans, une vie sans trop de soucis. J'avais l'impression que tout ce que je pouvais lui dire sonnerait creux à côté de l'étendue de ses problèmes. J'avais l'impression que sa vie dépendait de ce que je trouverais à lui dire.
Alors tout en lui parlant, j'ai prié. J'ai demandé à Dieu de me guider et de me donner les idées qui pourraient la soutenir. Je voulais qu'elle se sente entourée de l'amour de Dieu et qu'elle voie qu'elle n'était pas sans soutien. Nous sommes restées deux heures au téléphone et quand je l'ai quittée, elle était déjà plus calme.
Le lendemain, je suis partie en vacances et j'étais très inquiète de la laisser seule. Alors chaque fois que je me sentais démunie face à la situation, je priais pour savoir que je n'étais pas son seul soutien, mais que c'était Dieu. Elle n'avait pas été abandonnée. Mon amie qui faisait tellement de bien pour sa famille ne pouvait pas être privée du sentiment d'être aimée par Dieu.
Bien plus tard, elle m'a dit qu'avant cela elle avait déjà tenté de se suicider par injection d'une dose massive de somnifères, et qu'elle avait réellement envisagé de recommencer ce jour-là si je n'avais pas été là pour l'aider. Elle m'a souvent remerciée d'avoir été présente à ce moment-là et au cours des mois qui ont suivi. Dix ans plus tard, elle est toujours une de mes amies les plus proches.