Pendant son ministère en Galilée, le Maître et ses disciples avaient vécu une période fertile en événements spirituels et pleine de succès. Il avait fondé son enseignement sur de solides assises qui en assureraient la continuité. Parmi les multitudes dont il avait touché la vie, il avait choisi douze hommes pour en faire ses amis intimes, ses apôtres, ses envoyés investis du pouvoir de poursuivre sa mission. Il en avait envoyé soixante-dix autres pour propager l’Évangile, « la bonne nouvelle » du salut.
Ils avaient fait preuve d’une loyauté, d’une dévotion profondes, mais il y avait eu aussi un certain scepticisme, de l’hostilité et des marques de danger menaçant. Plongé dans ces courants d’opinion contradictoires, mais nullement ébranlé par les arguments que présentent ses ennemis, il conserve son équilibre et sa maîtrise, montrant par là qu’il possède non seulement une connaissance parfaite des Écritures hébraïques, mais une compréhension pénétrante de leur signification profonde et de leur application pratique.
Une grande partie de l’activité de Jésus n’est pas à proprement parler dépeinte sur un décor de lieux géographiques; mais à l’époque, Jérusalem en Judée et les environs semblent avoir été le centre de son ministère d’enseignement et de guérison. Il traverse parfois le Jourdain pour se rendre à l’est en Pérée. Josèphe, historien datant de ce même siècle, se réfère à la province « au-delà du Jourdain », l’appelant ainsi, mais la Bible du roi Jacques n’en fait pas mention.
Au dixième chapitre de Luc, on trouve l’entretien de Christ Jésus avec un « docteur de la loi », qui devait l’amener au récit d’une de ses paraboles. Les « docteurs de la loi », ou scribes, en Israël, passaient la plupart de leur temps à l’étude et à l’interprétation de la loi orale ou écrite d’Israël, dont l’essence même était le Décalogue mosaïque. Comme ce code avait une portée juridique et religieuse, on ne saurait s’étonner de la demande du docteur de la loi sur la question de savoir ce qu’il y a lieu de faire pour hériter la vie éternelle (voir verset 25).
Le Maître ayant rétorqué: « Qu’est-il écrit dans la loi ? Qu’y lis-tu ? » l’autre réplique par une citation cumulative des Deutéronome (6:5) et Lévitique (19:18). Et Jésus répond à la question: « Et qui est mon prochain ? » par l’histoire du bon Samaritain. Ici la victime du crime est aussi la victime de l’indifférence. L’apercevant, deux hommes — représentants de la religion établie dont les fondements reposent sur ces remarquables extraits de la loi cités plus haut — passèrent sciemment outre sur ce chemin désert. Mais la compassion et la générosité du Samaritain, appartenant à un groupe que méprisaient les Juifs, le signalèrent comme étant un véritable prochain. Jésus conclut: « Va, et toi, fais de même » (voir Luc 10:30–37).
En règle générale la maison de Marthe de Béthanie, à quelque trois kilomètres de Jérusalem, était ouverte à Jésus et à ses disciples. Ce jour-là, Marie, la sœur de Marthe, était assise aux pieds de Jésus et l’écoutait au lieu d’aider à servir à table. Marthe demanda à Jésus de laisser Marie l’aider en quelque tâche d’une importance provisoire, ce qui provoqua cette légère réprimande du Maître: « Marthe, Marthe, tu t’inquiètes et tu t’agites pour beaucoup de choses. » Il souligna ensuite la validité permanente du choix fait par Marie (voir versets 38–42).
Au début du chapitre onze (versets 1–4), on retrouve la majeure partie de la Prière du Seigneur, quoique dans une version un peu différente de celle de Matthieu (cf. Matth. 6:9–13). C’est à la demande de ses disciples que Jésus donne cet enseignement sur la prière, les invitant à prier sans cesse et les assurant que la bonté infaillible de Dieu pour l’homme exaucera pareille prière (voir Luc 11:5–13).
Nous lisons plus loin dans Luc: « Jésus chassa un démon qui était muet. Lorsque le démon fut sorti, le muet parla, et la foule fut dans l’admiration. Mais quelques uns dirent: C’est par Béelzébul, le prince des démons, qu’il chasse les démons. Et d’autres, pour l’éprouver, lui demandèrent un signe venant du ciel » (versets 14–16).
L’accusation selon laquelle Jésus surmontait le mal à l’aide de quelque force du mal est absurde, comme il le fait d’ailleurs remarquer. Luc clôture l’incident par une métaphore tirée de l’Ancien Testament à propos du pouvoir de Dieu: « Si c’est par le doigt de Dieu que je chasse les démons, le royaume de Dieu est donc venu vers vous » (verset 20; cf. Ex. 8:15; Deut. 9:10).
La parabole de l’esprit impur qui retourne avec sept autres esprits impurs dans une maison vide (Luc 11:24–26) peut constituer un avertissement pour ceux qui seraient tentés de se relâcher après avoir été guéris; ou bien, comme d’aucuns l’ont suggéré, représenter une description de la maison d’Israël. Bien que l’idolâtrie y eût été interdite, on y tolérait d’autres formes subtiles du mal.
Quelqu’un s’exclame du milieu de la foule (verset 27): « Heureux le sein qui t’a porté ! » Jésus détourna en termes précis une pensée qui ne devait pas se fixer sur le Jésus personnel. Ensuite Luc rapporte un nouvel entretien au cours duquel Jésus blâme le peuple pour son insistance à réclamer « un signe » (voir versets 29–32). Ninive avait accepté la prédication de Jonas (voir Jonas 3:1–10), et la reine de Séba (« du Midi ») avait admiré la sagesse de Salomon (voir I Rois 10:1–9); mais celui qui se trouvait devant eux était de loin plus important que Salomon ou que Jonas (cf. Matth. 12:38–42), il était celui dont la lumière ne pouvait être cachée. Voilà qui amène le Maître à en enseigner davantage sur la lumière spirituelle. (Voir Luc 11:33–36; cf. Matth. 5:14–16; 6:22, 23; et Jean 8:12.)
Le repas que lui offre un Pharisien lui fournit une nouvelle occasion de faire le point entre l’observance ritualiste et la vérité fondamentale de la pureté, de la justice et de la droiture que ce ritualisme obscurcit si souvent (voir Luc 11:37–54).
En guise de préambule à la prédication qui va suivre, Luc poursuit: « Sur ces entrefaites, les gens s’étant rassemblés par milliers, au point de se fouler les uns les autres, Jésus se mit à dire à ses disciples: Avant tout, gardez-vous du levain des pharisiens, qui est l’hypocrisie » (12:1; cf. Marc 8:15; Matth. 16:6–12). Puis Jésus résume pour ses auditeurs l’une de ses plus percutantes leçons. Celles-ci, à partir de la sollicitude divine pour notre nourriture quotidienne — et même sa préoccupation pour l’humble moineau — s’étendent jusqu’au don du royaume de Dieu. On y trouve même l’assurance de la présence d’esprit, de la force morale face aux épreuves ou bien au banc des accusés, « car le Saint-Esprit vous enseignera à l’heure même ce qu’il faudra dire » (12:12). Les promesses de Jésus s’accompagnent néanmoins d’exhortations à la vigilance, au besoin de se tenir prêt, au sens de responsabilité et à la loyauté. L’anxiété quant aux nécessités quotidiennes et aux choses matérielles doit céder au désir de croître spirituellement, car le Père pourvoira à nos besoins. Cependant par ces paroles incisives, Jésus ne promet pas une paix facile, l’oisiveté ni un sens de suffisance (voir versets 42–53).
Il est possible que Jésus ait reconnu dans la foule ceux qui avaient demandé un « signe », car il attire leur attention sur leur capacité d’interpréter les « signes » offerts par la nature et leur incapacité de discerner « ce temps ci » — de « discerner les signes des temps », comme le dit Matthieu (voir Luc 12:54–56; Matth. 16:1–3). Lorsque quelques personnes présentes font allusion à Pilate, ainsi qu’à certains Galiléens assassinés, tandis qu’ils offraient des sacrifices, Jésus en profite une fois de plus pour contester l’idée selon laquelle les Juifs assimilent invariablement, directement, le malheur au péché (cf. Jean 9:2, 3). Il réfute énergiquement une telle croyance et déclare: « Non, je vous le dis. Mais si vous ne vous repentez, vous périrez tous également » (voir Luc 13:1–3).
La parabole du figuier stérile (voir versets 6–9), laquelle représente le thème de la repentance, montre que le Maître était conscient de tout ce qui se passait autour de lui et qu’il était toujours prêt à se servir de ce qu’il voyait, afin de communiquer son message à ceux qui l’écoutaient.