Le séjour de Jésus à Capernaüm, à la suite des célébrations de mariage à Cana, fut court. La fête juive de la Pâque approchait. A l'occasion de cette fête très solennelle, Jésus suivit la coutume juive et se rendit à Jérusalem, à son sanctuaire central, le temple. On trouve dans l'Évangile de Jean le récit des œuvres qu'il accomplit à cette époque.
Le temple se trouvait être un endroit très occupé en cette saison. Un grand nombre de pélerins assistaient à la Pâque; il leur fallait acheter des oiseaux et des animaux pour le sacrifice requis. Ceux venant de contrées lointaines étaient également tenus d'échanger leur argent afin de payer en monnaie juive la taxe individuelle d'un demisicle que le temple prélevait. Mais bien que ces activités en elles-mêmes pussent être considérées légitimes, le marchandage engendré par ces transactions créaient sans doute un bruit excessif, et les abus qui en provenaient — et qui avaient lieu dans le temple, étaient incontestablement déplacés. Nous lisons ceci au sujet de Jésus: « Ayant fait un fouet avec des cordes, il les chassa tous du temple, ainsi que les brebis et les bœufs; il dispersa la monnaie des changeurs, et renversa les tables; et il dit aux vendeurs de pigeons: Otez cela d'ici, ne faites pas de la maison de mon Père une maison de trafic » (Jean 2: 15, 16).
Les changeurs et les commerçants n'étaient pas les seuls à être atteints par cette action. Les autorités cléricales, si elles n'étaient pas en fait engagées elles-mêmes dans ces transactions, se voyaient obligées de fermer les yeux sur ce marchandage. Les paroles de Jésus: « Détruisez ce temple, et en trois jours je le relèverai » (verset 19), semblent avoir été aussi bouleversantes aux autorités que ses actions.
Ses paroles impressionnaient aussi ses disciples, car, comme l'écrit Jean (versets 21, 22): « Il parlait du temple de son corps. C'est pourquoi, lorsqu'il fut ressuscité des morts, ses disciples se souvinrent qu'il avait dit cela. »
Il n'est fait aucune mention spécifique de ses œuvres à cette époque de la Pâque, mais la déclaration de Jean que « plusieurs crurent en son nom, voyant les miracles qu'il faisait » (verset 23) donne à entendre le travail de guérison qu'il avait sûrement accompli.
Que Nicodème se soit rendu auprès de Jésus de son propre gré ou en qualité de délégué du Sanhédrin, dont il était membre — « un chef des Juifs » (3:1) — il n'en reste pas moins qu'il choisit de venir seul, de nuit, pour rencontrer le Maître. Ses questions témoignant de plus de sincérité et de respect que de mépris, il est donc fort probable que c'était son propre intérêt qui le guidait, quoique l'intérêt d'autres personnes ait peut-être également été en jeu, à en juger par ses paroles: « Rabbi, nous savons que tu es un docteur venu de Dieu » (3:2).
En tant que Pharisien, Nicodème était également familier avec tous les aspects de la loi et de la prophétie juives. Ainsi, malgré que son admiration pour l'œuvre de guérison de Jésus n'ait aucunement été superficielle (voir verset 2), sa manière de prendre les choses à la lettre révélait son incapacité de concevoir le royaume de Dieu, si longtemps attendu, comme un état spirituel qu'il n'était possible d'atteindre que grâce à la régénération spirituelle.
Les paroles du Maître firent sans doute grande impression sur Nicodème. Jean déclare que le même Nicodème par la suite prit position en faveur des chrétiens (voir 7:50, 51) et vint, avec Joseph d'Arimathée, après la crucifixion, prendre soin du corps de Jésus (voir 19:39). Les questions qu'il posa au Maître, telles que les rapporte cet Évangile, nous ont légué quelques-unes des paroles les plus précieuses de toute l'Écriture (3:16): « Dieu a tant aimé le monde qu'il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne périsse point, mais qu'il ait la vie éternelle. »
Jésus et ses disciples semblent avoir quitté Jérusalem peu de temps après et s'être rendus dans la région du Jourdain, où un grand nombre de gens venaient pour être baptisés. L'auteur du quatrième Évangile, toutefois, déclare que ces baptêmes sont le fait des disciples, plutôt que de Jésus lui-même (voir 4:2).
Pendant ce temps-là, Jean-Baptiste poursuivait son œuvre de prédication et de baptême. Au cours d'une discussion qui eut lieu entre les Juifs et certains disciples de Jean, on avisa ce dernier que Jésus était en train d'acquérir une immense popularité (voir 3: 25, 26). Sa réponse ne laissa aucun doute quant à son appréciation de Christ Jésus: « Il faut qu'il croisse, et que je diminue » (verset 30).
Quand Jésus apprit que les Pharisiens avaient eu vent de ses succès, il abandonna la Judée pour retourner en Galilée (voir 4:1, 3). Les trois synoptiques semblent attribuer ce retrait à l'arrestation et à l'emprisonnement de Jean-Baptiste qui eurent lieu à la suite de ses dénonciations catégoriques des activités d'Hérode (voir Matth. 4:12; Marc 1:14; Luc 3:19, 20). D'après le quatrième Évangile (4:4), « il fallait qu'il [Jésus] passât par la Samarie » en chemin vers le nord — paroles qui font allusion à l'ancienne inimitié existant entre Juifs et Samaritains, bien que Jésus, dans son comportement et sa conversation, ne suggère rien qui puisse faire croire à l'évidence de cette hostilité.
En Samarie, le puits de Jacob à Sychar devint le théâtre d'un incident important dans la carrière de Christ Jésus. D'après l'exactitude minutieuse du récit, celui-ci a dû être rapporté par un témoin oculaire. Il est possible que « le disciple bien-aimé » ait été choisi pour rester avec le Maître pendant que les autres s'en allèrent à la ville pour acheter des vivres (voir verset 8).
« C'était environ la sixième heure » lorsqu'une femme de Samarie vint puiser de l'eau à ce fameux ancien puits, et Jésus lui demanda de lui en donner à boire.
Qu'un Juif demande à une Samaritaine de lui donner à boire, voilà qui était inattendu (voir verset 9). Mais tout comme Nicodème, savant « docteur d'Israël », s'était trouvé déconcerté par la perspicacité de Jésus, cette paysanne de Samarie était abasourdie devant ses paroles également si profondes au sujet d'une eau vive. Sa perception spirituelle révéla à cette femme qu'il était non seulement un prophète (voir verset 19), mais également qu'il était le Messie. Les Samaritains ne reconnaissant nul autre écrit scriptural que le Pentateuque, cette femme ne connaissait donc qu'une seule prophétie sur la venue du Messie — celle attribuée à Moïse (voir Deut. 18:15).
Dans leur conversation, la femme souleva la question du lieu central où il fallait adorer Dieu; c'était là le sujet d'une controverse séculaire. En effet, depuis le quatrième siècle av. J.-C., les Samaritains avaient eu leur temple rival sur la montagne de Garizim. Le Maître éleva promptement cet argument à un niveau spirituel (voir Jean 4:21), et il poursuivit en prédisant: « L'heure vient, et elle est déjà venue, où les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et en vérité... Dieu est esprit, et il faut que ceux qui l'adorent l'adorent en esprit et en vérité » (versets 23, 24). La réponse que fit la femme ouvrit une voie permettant à Jésus d'annoncer qu'il était véritablement le Christ.
Surpris mais silencieux à la vue de leur maître parlant avec une Samaritaine, les disciples revinrent avec la nourriture qu'ils avaient achetée (voir verset 27). Laissant sa cruche, elle s'en retourna à la ville pour répandre la bonne nouvelle, tandis que les disciples manifestaient — à l'encontre de la spiritualité de Jésus — la même absence de compréhension, le même matérialisme, jusqu'à un certain point, dont avaient fait preuve Nicodème et la Samaritaine (voir versets 31–34).
Après avoir fait ressortir la nécessité de veiller à la récolte spirituelle qui lève (voir versets 35–38), Jésus séjourna deux jours en Samarie sur les instances de ceux qui avaient accepté ce que cette femme avait déclaré. Avant son départ, un plus grand nombre encore de Samaritains pouvaient dire, parlant de leur propre expérience (verset 42): « Nous l'avons entendu nous-mêmes, et nous savons qu'il est vraiment le Sauveur du monde. »
