Pour les Scientistes Chrétiens, il importe beaucoup que le chapitre consacré spécialement à la guérison dans Science et Santé avec la Clef des Écritures, par Mary Baker Eddy, cite d'abord un remarquable exemple de miséricorde (p. 362); cet exemple illustre un fait fondamental en Science Chrétienne — il montre que si l'on exprime l'Amour infini, l'on embrasse certainement dans cet amour tous ceux auxquels on pense. L'Amour infini ne serait plus tel s'il tendait à exclure qui que ce soit.
Peut-être Shakespeare pensait-il à l'attitude de Jésus envers Marie-Madeleine chez Simon le pharisien, lorsque dans Le Marchand de Venise il faisait dire à Portia:
Le caractère
De la miséricorde est d'être volontaire...
Ainsi que la rosée elle tombe du ciel,
Et bénit, exprimant le penser qui pardonne,
Celui qui la reçoit et celui qui la donne.
Le troisième article de foi des Scientistes Chrétiens indique clairement que notre miséricorde, comme celle de Jésus, doit être conforme au pardon de Dieu. Voici ce texte (ibid., p. 497): « Nous reconnaissons que le pardon du péché par Dieu consiste dans la destruction du péché et dans l'intelligence spirituelle qui chasse le mal comme irréel. Mais la croyance au péché est punie tant que dure la croyance. »
L'expression de la miséricorde unit de part et d'autre les humains; en effet, dans une certaine mesure elle renverse la barrière des mentalités personnelles constituant « le mur de séparation » que mentionne l'épître aux Éphésiens (2:14). Pour pratiquer habituellement la miséricorde, il faut sans cesse reconnaître que Dieu est tout, il faut compter sur Lui; dès lors, l'activité et le pouvoir du divin Amour se remarquent davantage dans la vie quotidienne, car la miséricorde est souvent le premier pas vers des progrès et une maîtrise auxquels on ne s'attendait guère.
Dire que la miséricorde fait du bien à celui qui la manifeste et à la personne qui en est l'objet, c'est affirmer qu'elle est subjective; l'histoire de Joseph et celle de David, telles que les rapporte l'Ancien Testament, nous en donnent deux exemples notables. Ces patriarches ne cédèrent ni à la rancune ni à la vengeance; ils aimaient leurs semblables, aussi commencèrent-ils à prouver leur union avec Dieu. A mesure que leur amour augmentait, ils purent se rendre utiles dans des sphères plus vastes, et leur prospérité personnelle s'accrut, bien qu'ils ne l'eussent pas cherchée. La richesse de leur amour s'extériorisa sous forme d'abondance humaine.
La vraie miséricorde est spontanée, naturellement exempte de tout effort, comme doit l'être l'expression de l'Amour divin. En vérité la miséricorde est un attribut de cet Amour. Elle a sa source dans l'intelligence véritable. Elle n'est point faussée par le témoignage des sens personnels, mais elle exprime l'Ame et ne subit aucune autre influence.
Pour que la miséricorde persiste, il faut avoir le vrai concept scientifique de l'Amour. L'amour manifeste forcément la miséricorde, car il « ne soupçonne point le mal, » ce que Paul vit et déclara clairement (I Cor. 13:5). Lorsqu'une femme prise en flagrant délit d'adultère fut amenée au Maître, fut-il scandalisé et la regarda-t-il comme une pécheresse endurcie? Fut-il saisi d'horreur, ou peut-être envahi par un sentiment d'orgueil spirituel? Non certes. Notre Leader écrit dans Science et Santé (p. 448): « L'aveuglement et le pharisaïsme serrent de près l'iniquité. » Parce que Jésus reflétait la nature divine, il savait que chez cette femme la croyance de péché était pardonnée; aussi put-il lui dire avec la bienfaisante autorité qu'il tenait de Dieu (Jean 8:11): « Va, et désormais ne pèche plus. »
Cette autorité était sienne parce qu'il reconnaissait que l'homme est éternellement fils du Père, et qu'il ne reniait jamais cette filiation. Il pouvait donc dire sincèrement (verset 46): « Qui de vous me convaincra de péché? » Il réfutait tous les tableaux erronés qui niaient la suprématie divine et sa conséquence, la perfection de l'homme.
Ce récit biblique montre bien que la miséricorde marche toujours de pair avec la vraie compréhension de l'homme et de la création tels que. Dieu les connaît; que si l'on s'attache fidèlement à ce sens juste, il déchirera le voile — l'accumulation des croyances qui cachent la création divine — et la véritable identité de l'homme sera mise en lumière.
La miséricorde n'est jamais capricieuse; elle est inhérente au pur Amour qui est aussi Principe. Elle ne peut être séparée de l'Amour. Si l'on aime Dieu, il est impossible d'agir sans merci, car quiconque aime Dieu doit également aimer son frère. Évidemment donc, notre amour, la nature même de notre penser et de notre fidélité envers Dieu, peuvent se mesurer à la miséricorde que nous exprimons.
Quand la compréhension spirituelle augmente, la miséricorde s'accroît aussi: cette qualité est proportionnelle à notre démonstration de l'Amour divin. Il faut commencer par être miséricordieux envers soi-même. Un humain qui se condamne ne saurait exprimer beaucoup de miséricorde, car la condamnation qu'il admet dans sa conscience rejaillit sur ses frères, même sans qu'il le veuille. D'autre part si l'on condamne son prochain, cette attitude a pour effet la condamnation de soi-même, car la conscience est un tout indivisible, non pas un groupe de casiers.
Le monde serait bien différent si, dans leur enfance, tous ceux qui sont aujourd'hui des adultes avaient été l'objet d'une miséricorde intelligente, si l'on avait fait preuve d'amour quand il fallait les corriger. Dans ce cas le sentiment d'injustice, l'humiliation, la rébellion, la rancune, la colère, la haine — choses qui travaillent en secret pour aboutir parfois à des tendances criminelles — seraient beaucoup plus rares.
Les innombrables possibilités du bien existent maintenant même. La Science Chrétienne révèle que la miséricorde et l'amour de Dieu sont omniprésents, toujours accessibles; on peut en conclure que tout le bien qui fut possible autrefois l'est encore aujourd'hui.
Il faut insister sur ce fait et pratiquer sans cesse la miséricorde divine; si nous agissons ainsi, nous pourrons venir en aide à nos frères désavantagés et les affranchir des souffrances imposées par une éducation mal comprise, manquant de sagesse.
« La miséricorde et la vérité se sont rencontrées, » lisons-nous dans un psaume (85:10). La vérité et la miséricorde sont inséparables. Pour être parfaite, la miséricorde doit embrasser l'effacement total, dans notre conscience, de fautes pardonnées ou ayant besoin de pardon. Voilà le genre de miséricorde auquel fait allusion Ann Campbell Stark dans un poème dont nous citerons les dernières lignes:
Apprends-moi le pardon sincère
O Dieu des cieux, mon tendre Père.
Fais-moi maintenant oublier
Ce que j'ai bien pu pardonner.