Vous avez peut-être entendu parler de l'ours qui, dans un jardin zoologique où il avait beaucoup de place, n'en profitait guère. Heure après heure on le voyait faire quelques pas en avant puis quelques pas en arrière, et répéter ce manège comme si les possibilités offertes lui restaient indifférentes. Interrogé à ce sujet, le gardien répondit: « C'est l'habitude de la petite cage où on l'avait mis quand il était jeune. Il s'est accoutumé aux limitations qu'elle lui imposait et il y reste sujet mentalement, quoiqu'il soit maintenant libre de circuler sur un beaucoup plus grand espace. » Le champ de son activité était déterminé non par le cadre physique, mais par la condition mentale au-dedans de lui.
Parlant à John Burroughs, une dame se plaignait de ce qu'elle ne trouvait point d'oiseaux dans son propre jardin. Le naturaliste en vit tout de suite une vingtaine dans les arbres et les buissons d'alentour; il les lui fit remarquer, puis ajouta: « Madame, il faut avoir des oiseaux dans le cœur si l'on veut pouvoir les trouver dans les arbustes! »
Au fond, ce que nous pensons être en dehors de nous n'est que notre concept mental de l'existence; mais cette simple vérité, nous l'apprenons lentement. Ce qui paraît extérieur est au-dedans de nous. Avec patience et persévérance, Jésus s'efforçait de faire comprendre à ses auditeurs cette vérité. « Le royaume de Dieu est au-dedans de vous, » leur répétait-il. Mais la plupart d'entre eux refusaient de le croire; ils préféraient se dire que ce qu'ils voyaient autour d'eux et pensaient en eux, c'était le royaume de la matière. Ils croyaient que leurs perspectives étaient déterminées par les forces de l'éducation et de l'ambiance matérielles plutôt que par l'unique Entendement causatif, le Dieu qui est intelligence.
Comme idée de l'Esprit, de l'Entendement, l'homme n'a que le statut, la conscience et la sensibilité provenant de l'unicité avec Dieu. Donc le royaume de Dieu est la seule ambiance que l'homme puisse vraiment percevoir ou connaître — celle où il se trouve. Son identité, le milieu où il est, ses rapports avec autrui, son activité sont déterminés non par les personnes, les circonstances matérielles ou les événements extérieurs, mais par le Père, l'Entendement infini, actif au-dedans de lui. Cet Entendement divin lui donne l'éternelle conscience du royaume de l'Amour; il lui fait voir ce que Dieu décide pour lui — sa place, son activité et son unité avec tous les hommes.
« L'habitude de la petite cage; » l'aveuglement qui ne voit pas les oiseaux dans notre cœur, donc dans notre jardin mental; les restrictions et les peines d'une ambiance matérielle inharmonieuse où les personnes mortelles semblent exercer plus d'influence que Dieu — toutes ces choses sont des concepts mentaux erronés, négatifs. Ce ne sont rien de plus que les modes extériorisés du faux entendement matériel, qui ne représentent point la conscience de l'homme.
Comment peut-on s'en débarrasser? La Science Chrétienne nous le montre. Avec persévérance, il faut nier qu'il existe un entendement mortel qui puisse créer un homme mortel, lui donner un corps, l'environner, le limiter ou le restreindre par des forces, des circonstances et des personnes matérielles; il faut voir que cette dénégation est motivée, puisque l'unique cause c'est Dieu, l'Esprit, l'Entendement, le bien. Il ne saurait donc y avoir un seul effet n'ayant pas son origine en Dieu. Tous Ses effets manifestent l'harmonie, la beauté, la liberté qui Lui sont inhérentes et caractérisent nécessairement Ses œuvres. Comme expression individuelle de l'Entendement divin, l'homme ne saurait connaître ou voir autre chose que l'effet de Dieu. Il se rend toujours compte que Dieu et Son royaume sont un, tout, et que les idées, les identités, l'ambiance qui s'y trouvent sont heureuses et libres, exprimant l'intelligence.
« Les acteurs de la terre transforment les scènes terrestres, » dit Mary Baker Eddy dans son Message to The Mother Church for 1902 (p. 17). Comment le font-ils? En changeant non pas la création, mais leur concept à cet égard. Ils chassent de leur pensée les scènes terrestres ayant leur source dans un entendement matériel négatif, car ils refusent de continuer à croire qu'ils sont les créatures et les fantoches de cet entendement, les jouets de sa force; ils conforment leur sens de vie et d'individualité à l'Entendement immortel, à l'Esprit éternel; ils perçoivent toujours mieux la présence de l'Entendement divin, son univers intelligemment unifié et la place harmonieuse que l'homme y occupe. A mesure que, dans votre pensée et la mienne, le fait spirituel déplace le mensonge de la matérialité, on voit apparaître un sens de vie plus normal, harmonieux, bien ordonné. Mais le changement extérieur a sa source dans une transformation fondamentale intérieure, dont il dépend et qu'il manifeste. Une lanterne à projections, un appareil cinématographique ne peuvent projeter sur l'écran que les vues qu'ils contiennent. Ainsi, sur l'écran de l'existence humaine, nous voyons s'extérioriser seulement ce que nous consentons à recevoir comme notre sens de la création. Pour changer l'image extérieure, il faut modifier le concept intérieur.
Voici comment Moffatt, exégète écossais, traduit une certaine déclaration de Paul: « Il y a une nouvelle création chaque fois qu'un homme vient à être en Christ; ce qui est ancien a passé, le nouveau est venu » (II Cor. 5:17). Nous venons au Christ dans la mesure où nous dissocions notre sens de la vie et de l'homme d'avec l'entendement mortel, la matière ou le sens matériel, pour unir notre pensée à Dieu et à l'idée spirituelle de l'existence; celle-ci nous révèle que ce qui semble être notre « extérieur » et notre « intérieur » se fondent dans l'unicité de notre vraie conscience — l'Entendement du Christ.
