« Qui m’établira juge dans le pays ? Tout homme qui aurait une contestation et un procès viendrait à moi, et je lui ferais justice », grogne Absalom, le fils du roi David. Fort d’une ambition grandissante, il s’est placé à la porte de la ville et a gagné « le cœur des gens d’Israël » (II Samuel 15:4, 6).
Lors de mes premières semaines en tant qu’assistant bibliothécaire à la salle de lecture de la Science Chrétienne, j’ai pataugé. J’avais l’impression d’avoir gâché chacune des interactions que j’avais eues avec les visiteurs et les clients. Chaque fois que quelqu’un venait me demander : « Qu’est-ce que la Science Chrétienne ? », ou me posait une question du même genre, je me figeais. Comment expliquer une chose qui me tient tant à cœur tout en lui conférant du sens pour quelqu’un d’autre ? J’ai commencé à essayer de « résumer » la Science Chrétienne en quelques phrases afin d’avoir une réponse rapide et concise à proposer chaque fois que quelqu’un m’interrogerait. Mais ces réponses, fondées sur la crainte de susciter mépris ou incrédulité, étaient loin d’être satisfaisantes. Je suis ressorti de ces échanges avec le sentiment que j’aurais pu faire mieux.
Un jour, j’ai ouvert la Bible au hasard et j’ai lu l’histoire d’Absalom. Le comportement d’Absalom suggère ambition, fierté et cupidité. Son ambition finit par provoquer une guerre civile en Israël, à cause de ses tentatives de subtiliser le trône de son père, David.
Même si je ne ressentais aucune affinité avec Absalom, je voyais des parallèles entre son comportement et le mien. Une personnalité matérielle, ou ego, s’appelant « moi », qui tentait d’avoir toutes les réponses – de se tenir entre ces chercheurs spirituels qui entraient à la salle de lecture et le Christ, la Vérité.
L’entendement mortel limité cherche à subvertir le pouvoir de l’Entendement divin, Dieu, en prétendant que l’homme a un ego ou une personnalité distincts de Dieu. Il semble être un allié légitime et digne de confiance, cependant, comme le dit le psalmiste : « Sa bouche est plus douce que la crème, mais la guerre est dans son cœur ; ses paroles sont plus onctueuses que l’huile, mais ce sont des épées nues. » (psaume 55:22) Dans son antagonisme vis-à-vis de Dieu, l’entendement mortel prétend que Dieu est aveugle à nos besoins et que lui est une solution plus simple et plus rapide à tous nos problèmes.
C’est le contraire de ce que nous observons dans la pratique spirituelle de Jésus. Dans son ministère d’enseignement et de guérison, Jésus s’est d’abord adressé à Dieu au travers d’une prière de gratitude. Dans l’Evangile selon Matthieu, il a dit : « Votre Père sait de quoi vous avez besoin, avant que vous le lui demandiez. » (6:8) Et lorsqu’il a ressuscité Lazare de la tombe (voir Jean, chap. 11), il a remercié Dieu de « toujours » l’exaucer (verset 42). Face à de tels cas, ses prières consistaient à reconnaître calmement la toute-puissance et la toute-présence de Dieu.
Mary Baker Eddy nous donne un énoncé magnifiquement concis de cette vérité dans Science et Santé avec la Clef des Ecritures : « L’Amour divin a toujours répondu à tout besoin humain et y répondra toujours. » (p. 494) L’unité de Dieu et de l’homme se manifeste dans l’expérience humaine à travers le Christ. Aux pages 332 et 333, Mary Baker Eddy écrit : « [...] le Christ illustre la coïncidence, ou l’accord spirituel, de Dieu et de l’homme à Son image. » J’ai réalisé que la « pensée d’Absalom » tente de s’interposer entre l’homme et Dieu, essayant d’usurper la fonction du Christ, qui parle à la conscience humaine et répond aux besoins humains.
Après avoir détecté cette erreur dans ma pensée et l’avoir réprouvée, ce que je devais faire est devenu clair. Jésus a dit : « Les paroles que je vous dis, je ne les dis pas de moi-même ; et le Père qui demeure en moi, c’est lui qui fait les œuvres. » (Jean 14:10) Notre Maître était assez humble pour reconnaître que toutes ses paroles et tous ses actes venaient directement de Dieu et non de lui-même. Il m’a semblé que la salle de lecture était un endroit parfait pour s’entraîner à suivre l’exemple de Jésus, pour apprendre à répondre aux visiteurs dans chaque cas en étant à l’écoute, sans se laisser aller à des réponses stéréotypées ou à la délivrance d’informations empreintes d’un jargon malaisé à comprendre.
Mary Baker Eddy a ordonné la Sainte Bible et Science et Santé « double pasteur impersonnel » (Ecrits divers 1883-1896, p. 322) de l’Eglise du Christ, Scientiste. J’ai commencé à guider les visiteurs intéressés directement vers notre pasteur, ainsi que vers les autres écrits publiés de Mary Baker Eddy, d’une manière authentique et aimante. Ces livres parlent d’eux-mêmes. J’ai appris à le faire sans rabaisser les visiteurs en pensant : « Ils ne comprendront tout simplement pas si je ne l’explique pas dans mes propres mots », et sans rabaisser notre pasteur en pensant : « Science et Santé et la Bible sont difficiles à comprendre. »
Ce n’est pas que j’ai repoussé les questions ou que j’ai tendu froidement un livre aux personnes qui m’interrogeaient ; à l’inverse, j’ai remis mon cœur entre les mains du pasteur, et les paroles du pasteur sont devenues les paroles de mon cœur. De cette façon, je pouvais détourner ma pensée de la personnalité pour exprimer plus de douceur et une chaleur authentique. Il est devenu plus facile de me débarrasser de tout sens personnel dans les réponses. J’ai vu que je n’avais à craindre aucune sorte de réaction négative parce que les réponses du pasteur n’étaient pas les miennes, elles étaient celles de Dieu.
Quelques semaines après avoir commencé à faire cela, un homme est entré et m’a posé des questions très difficiles. J’ai fait de mon mieux pour lui répondre avec mes propres mots, mais rien de ce que je disais ne semblait le satisfaire ni résonner en lui. Après quelques échanges, une légère réprimande m’est venue à l’esprit : « Ne sois pas Absalom. » Immédiatement, je me suis souvenu d’un passage de la Bible où Jésus répond directement à la question que posait cet homme. Je me suis tourné vers lui, je lui ai montré le passage de la Bible, et il a convenu avec moi que c’était la réponse qu’il cherchait. Pendant les trois semaines qui ont suivi, chaque fois que je voyais cet homme, il me remerciait pour ce verset biblique en disant : « C’était exactement cela. »
Grâce à ces efforts, ma propre relation avec notre pasteur est devenue beaucoup plus confiante et naturelle. Lorsque des questions me sont posées, je sais désormais que rien ne vaut la ressource immédiate qu’est la Parole de Dieu. La salle de lecture n’est pas un endroit pour Absalom !