Le concert allait bientôt commencer, quand j’ai soudain été submergée par la peur. J’étais pourtant une musicienne expérimentée, j’avais appris à contrôler le trac depuis des années, mais cette fois c’était différent. La peur envahissait ma conscience avec ses suggestions négatives, destructrices, et se manifestait par une grande nervosité, des tremblements et le manque de confiance en moi.
Beaucoup gens, et notamment ceux qui doivent s’exposer à un public, savent ce que c’est que d’être assailli par des pensées comme celles-ci : « Tu t’es mal préparé ! Tu aurais dû t’exercer davantage ! Tu vas te tromper ! » Et la pire de toutes : « Tu n’es pas assez bien pour ce travail. » Qu’elles soient dues à la maladie, à des conditions météorologiques extrêmes, à des liens brisés ou à autre chose, ces peurs sont la plupart du temps engendrées par la pensée d’un désastre à venir et, dans mon cas, c’était le concert qui m’attendait.
Comme j’adore jouer d’habitude, ces craintes ne m’étaient pas familières, et je ne savais pas comment réagir. Je jouais par amour du public et pour partager avec lui mon amour de la musique. Mais, à ce moment là, j’étais trop angoissée ne serait-ce que pour monter sur scène, et a fortiori pour y interpréter un concerto pour flûte de Mozart ! Me réfugiant dans la loge verte (une salle spéciale réservée aux artistes invités afin qu’ils se préparent en coulisse), j’ai supplié Dieu de m’aider. Au milieu d’un tourbillon de pensées chaotiques et déstabilisantes, un mot a pourtant réussi à s’imposer : « Eternité. » J’ai vite reconnu la présence d’un ange, d’un message de Dieu.
Au début, je ne voyais pas le lien entre le concept d’éternité et la situation dans laquelle je me trouvais. Mais, en continuant de prier, j’ai compris que l’éternité ne se limitait pas au passé et au futur, car elle était en réalité la conscience de l’éternelle présence de Dieu – ce qui signifiait « maintenant même » !
Avant, quand j’avais un problème, le fait d’écrire, stylo en main, m’aidait à mettre un frein à la peur et à écouter ce que Dieu me communiquait. Afin de me dominer, je me suis procuré un bout de papier et un stylo, et j’ai commencé à noter les idées paisibles et concrètes qui m’apportaient le réconfort de l’Entendement divin, à mesure qu’elles me venaient. Ayant déjà surmonté la crainte par la prière en de multiples situations, je savais que la parole de Dieu se fait toujours entendre comme « “la douce petite voix” de la Vérité » (Mary Baker Eddy, Science et Santé avec la Clef des Ecritures, p. 323).
Ma tâche consistait à vivre dans le moment présent et à aimer chaque note de la partition, en faisant confiance à Dieu pour le reste.
Parmi les pensées inspirées que j’ai notées, il y avait ces passages favoris de la Bible et des écrits de Mary Baker Eddy, livres qui m’accompagnent partout où je vais :
- « L’éternité, non le temps, exprime la pensée de la Vie, et le temps ne fait pas partie de l’éternité. » (Science et Santé, p. 468) J’ai compris qu’il me fallait vivre absolument dans le présent et aimer le travail que je faisais dans un esprit de prière « en ce moment même », au lieu de craindre de mal jouer sur scène quelques minutes plus tard.
- « Ne vous inquiétez pas d’avance de ce que vous aurez à dire, mais dites ce qui vous sera donné à l’heure même ; car ce n’est pas vous qui parlerez, mais l’Esprit-Saint. » (Marc 13:11) Les paroles de Jésus m’ont incitée à avoir pleinement confiance dans le fait que Dieu me guiderait durant toute l’exécution de la partition, comme Il dirigeait mon travail d’inspiration, à ce moment même dans les coulisses. C’était Dieu, non moi, le véritable interprète de cette musique magnifique.
- « La foi en l’Amour divin fournit le secours toujours présent et le maintenant, et donne le pouvoir d’“agir dans le présent vivant”. » (La Première Eglise du Christ, Scientiste, et Miscellanées, p. 12) J’ai compris qu’il ne fallait pas chercher plus loin ! En faisant confiance à l’Amour divin, je serais capable d’exécuter le morceau avec une liberté totale « dans le présent vivant ».
Alors que quelques minutes plus tôt, j’étais submergée par la crainte, j’ai pu me calmer rapidement et apprécier sincèrement l’inspiration acquise en m’imprégnant de ces messages angéliques émanant de Dieu. Comme je réfléchissais à la façon de vivre cet amour du moment présent sur scène, il m’est apparu clairement qu’il me fallait jouer en aimant chaque note de musique, l’une après l’autre, dans l’instant même, sans penser aux passages difficiles qui suivaient ni déplorer mentalement les erreurs d’exécution. C’est ainsi que je pourrais appliquer concrètement le concept d’éternité dans mon interprétation. Ma tâche consistait à vivre dans le moment présent et à aimer chaque note de la partition, en faisant confiance à Dieu pour le reste.
Au bout de quelques minutes seulement, la peur a complètement disparu. Je me suis dirigée vers la scène, complètement libérée, heureuse et pleine d’amour pour tout le public. J’ai exécuté le morceau, le cœur rempli d’amour, sans une once d’anxiété. Même la critique a dû sentir les résultats bien concrets de ces messages angéliques inspirés, émanant de Dieu. Dans le monde de la musique, on évalue la sensibilité de l’interprète au style du compositeur à la façon dont il exécute la phrase musicale. Commentant une interprétation particulièrement belle, on pourrait dire : « Le phrasé était merveilleux ! » J’ai été spécialement touchée (y voyant le signe de la présence de Dieu ce soir-là) de lire que le critique musical d’un journal avait écrit que j’avais « excellé non seulement dans chaque phrase musicale, mais également dans chaque note ».
La leçon que j’ai tirée dans la loge verte m’a bien aidée dans de nombreuses circonstances, par la suite. Mais on n’a pas besoin d’être artiste pour en tirer le bénéfice, car cela peut s’appliquer à tous ceux qui font face à l’anxiété ou à une autre forme de peur. J’aime penser que nous sommes tous des « interprètes de la vie », aimant chaque note de l’existence, chaque instant de notre vécu, l’un après l’autre. C’est ainsi que ceux qui reçoivent notre amour sont touchés par un sentiment d’élévation et de joie.
